Le nouveau spectacle de Miet Warlop s’ouvre sur une vision anxiogène : une communauté de spectres stoïques en hoodies noirs, déambulant parmi des machines. Ici, entre les beats électro et le vacarme mécanique, il faut hurler pour s’entendre et courir pour se déplacer. Mais rapidement, les règles changent et l’environnement se transforme. Des mètres de tissu chutent du ciel, chatoyants, tout en couleur et en légèreté. Soudain, face à face : le réel et l'imaginaire, la matérialité et le rêve. Inhale Delirium Exhale propose d’en faire la fusion. Ce clash ancestral est à la source de tous les travaux de la metteuse en scène et plasticienne flamande. Un rapport tiraillé entre le tangible et le fantasme qui débouchent sur des images et des scènes tout en contraste.

Au commencement, un couple d’interprètes entre en scène en silence, des mains de plâtre – matériau fétiche de l’artiste – dépassant de leurs manches. Au-dessus de leur tête lévitent des mécanismes en tout genre et de gros rouleaux de tissus. Impassible, le duo tape dans leurs mains mais leurs paumes d’albâtre se brisent vite. À peine les débris ramassés, un immense carré de soie bleu s’abat sur quatre autres performeurs, qui s'appliquent immédiatement à le replier. Sauf que plusieurs longueurs de tissus sont libérées, donnant toujours plus de travail aux interprètes. La cadence s’accélère et la scène prend des airs de manufacture. Au milieu du chaos, la troupe s’offre une drôle séance de workout hybride, entre yoga et préparation militaire.

Que se passe-t-il alors dans cet atelier textile sous psychotrope ? L’artiste flamande nous pose-t-elle face à un monde où l’art est marchandise et l’homme l’esclave de la machine ? Ou tente-t-elle une métaphore grand format du processus créatif ? La pièce alimente cette tension, à la fois physique et visuelle. Tout porte à aborder Inhale Delirium Exhale comme un rêve lucide dont on peut s’épargner de faire sens. Une invitation à l’abstraction, truffée de signes, ouverte aux interprétations, quitte à perdre le spectateur. Jusque dans sa dramaturgie, le spectacle déjoue les attentes : le tableau final, étonnamment serein – une tentative de fusion entre homme et tissu –, nous prive d’un climax et laisse ce delirium, curieusement grisant, en suspens.
Inhale Delirium Exhale de Miet Warlop a été présenté les 27 et 28 mai au Tandem, Douai
⇢ les 15 et 16 septembre dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon au TNP, Villeurbanne
⇢ du 29 septembre au 4 octobre dans le cadre du Festival d'Automne à La Villette, Paris
⇢ les 10 et 11 octobre dans le cadre du festival Actoral à La Criée, Marseille
⇢ les 14 et 15 octobre dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon à la MC2, Grenoble
⇢ les 28 et 29 novembre dans le cadre du festival NEXT, Valenciennes
⇢ les 10 et 11 mars au Lieu Unique, Nantes
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