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Sur une scène dépouillée, trois tabourets agencés dans un coin font décor. Seule la lumière habille l’espace en créant couloirs, chambres, cuisine et même le champ de courses de Vincennes. Dans Cavalières, dernière création d’Isabelle Lafon, tout part d’une petite annonce. Denise cherche trois colocataires femmes pour habiter un appartement plutôt grand mais rudimentaire. Sauf qu’elle est aussi tutrice légale de Madeleine, petite fille un peu plus lente que les autres, qu’elle souhaite élever à plusieurs car débordée par son travail d’entraineuse équestre. De là nait un récit choral dont l’objet sera d’inventer un « nous » qui ne va pas de soi. 


Venir dépouillées mais chargées d’histoires, tel est le projet d’Isabelle Lafon dans ce Cavalières à l’épure salutaire. Se délester de l’artifice pour aller à l’essentiel : le texte, le récit. Celui-ci se donne dans un aller-retour épistolaire et introspectif. Parce qu’elles ne font que se croiser ou simplement par pudeur, les quatre femmes se laissent des petits mots, post-its ou post-scriptums à rallonge. Des bribes de vie qui jamais ne dessinent de portrait complet. Saskia – vieille amie de Denise – est ingénieure dans le ciment, Nora éducatrice spécialisée et Jeanne serveuse aspirante poétesse. Elles ont en commun le désir de mettre une partie de leur vie d’avant entre parenthèse pour tenter le projet de faire lien autrement. Elles ne partagent pas la passion équestre dont Denise a fait son métier mais cherchent toutes à être la cavalière de leur vie. Aujourd’hui, elles apprennent à faire famille autrement autour de Madeleine. Et cette absence de lien du sang questionne tout, exige mille ajustements, ouvre des tunnels de parole. Une parole parfois hésitante, d’autres fois plus précise, un murmure intense qui laisse peu de silences – comblés par les chansons de la Roumaine Maria Tanase.


« Je n’ai pas peur de ne pas terminer l’histoire », conclut Isabelle Lafon qui interprète Denise et co-signe la pièce avec les trois autres comédiennes. La pièce peut d’ailleurs se clore différemment selon les soirs. Ainsi la metteuse en scène veut-elle son théâtre : jamais figé, ouvrant des brèches, prêt à perdre son fil mais pas son intensité. Le doute pour méthode, en laissant les coutures apparentes. Chaque représentation comme une étape de travail. De quoi rappeler que le théâtre n’est que ça : une vibration et une communion. 


Cavalières de Isabelle Lafon, du 5 au 31 mars à la Colline, Paris

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