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Espace culturel, salle polyvalente, complexe sportif, cour de château : dès que la place est assez grande pour accueillir une estrade de vingt mètres carrés et une centaine d’assises, la représentation peut avoir lieu. Tout juste un décor – table, chaises, drapeaux –, quatre projecteurs et un duo de jeunes comédien·nes : le méta-théâtre à la Milo Rau n’a pas besoin de centre dramatique pour surgir. Comme toujours chez le metteur en scène suisse (et actuel directeur des Festwochen à Vienne en Autriche), l’élément déclencheur se trouve dans l’intime et dans les forces mêmes du théâtre. Un des interprètes veut mettre en scène La Mouette en hommage à sa grand-mère qui se rêvait dans le rôle de Nina ; l’autre veut jouer Jeanne d’Arc qui l’obsède depuis qu’elle sait que sa grand-mère à elle entendait des voix. Invention ou véritables éléments biographiques ? Qu’importe : ce qui compte, c’est de faire théâtre. Les deux comédien·nes se prêteront donc alternativement au jeu de l’autre pour entremêler intime et représentation. Il reste juste à recruter deuxspectateurs pour lancer quelques répliques et annoncer les scènes : ça s’agite dans l’assemblée, les volontaires abondent. Le dispositif a le mérite d’être clair : sans public, pas de théâtre. 

 



© Christophe Raynaud de Lage




D’emblée, la proximité et l’adresse directe de la pièce désamorcent le sérieux qui colle aux arts vivants, de surcroît quand ils abordent les classiques : ici, tout est ludique. Peu importe donc si certains personnages sont interprétés par des voix préenregistrées, si La Mouette est résumée par IA et si les actions du duo sont simulées ou spontanées : le théâtre se renouvelle et distille son philtre. Les spectateur·ices, funambules entre la « réalité » de la fiction et ce qui est supposé être vrai, avancent chacun·e à son rythme. L’arme à feu du suicide de Konstantin est bien factice mais cette vrombissante tondeuse rase-t-elle réellement la chevelure de la comédienne ? Et ce cutter qui met au défi la véracité de l’action scénique, s’enfonce-t-il vraiment dans la paume de son collègue ? 

 



© Christophe Raynaud de Lage




Catharsis, frontière entre le réel et la fiction : on le sait, ces casses-têtes joyeusement insolubles travaillent sans relâche un théâtre d’art qui veut en découdre avec la représentation. Au prix de démonstrations oiseuses ? Pas ce soir. La lettre convainc par sa franchise, sa limpidité et sa générosité. À constater l’engouement qui parcourt les rangées de la salle polyvalente de Pujaut – où la pièce faisait étape lors de sa tournée de la périphérie avignonnaise pour le Festival –, Milo Rau a su relever ce qui, dans ces préoccupations théoriques, touche au cœur de l’imaginaire collectif lié au théâtre et remue ce pourquoi des gens désirent encore s’y rendre. 

 


La lettre de Milo Rau a été présenté du 8 au 26 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon

 

⇢ du 1er au 3 octobre au Théâtre du Point du Jour, Lyon

⇢ les 21 et 22 novembre au Théâtre Les Halles, Sierre (Suisse)

⇢ le 23 janvier 2026 à la Scène 55, Mougins

⇢ du 28 au 31 janvier au Théâtre Silvia Monfort, Paris

⇢ du 20 au 22 mars au Théâtre de la Manufacture, Nancy

⇢ du 20 au 30 mai au Théâtre Public de Montreuil

 

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