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Fini les interminables roulements de tambours, les balayages de projecteurs et les tutus tout en paillettes : la nouvelle génération du cirque préfère les vestiaires ordinaires, assure la narration et assume sa parlotte. Jusqu’à faire oublier la rigueur physique et les prises de risque inhérentes à la pratique acrobatique. Avec De bonnes raisons, La Volte-Cirque remet les dessous du cirque sur le devant de la piste, dans une forme potache où la prouesse technique tutoie la voltige philosophique.


Jeans casual, baskets, t-shirt et lumière crue : au centre d’une étroite piste circulaire, deux gaillards – poids plume et poids lourd – se chamaillent autour d’une tige de fer longue de plusieurs mètres. Dans l’écrin fermé par des pans de bâche, le duo fait peu de cas de l’assemblée de spectateurs, trop occupé qu’il est à débattre des méthodes et protocoles de l’entraînement qui débute. En motif de discorde, la hauteur du mât sur lequel le voltigeur devrait grimper, une fois celle-ci calée sur les épaules du porteur. Dans ce ping-pong d’anti-théâtre, les pics et taquineries fusent, repoussent le passage à la pratique et virent doucement à la pantomime. Sid’, le porteur, s’agace des hésitations de Mat’, voltigeur volontaire mais pris de quelques vertiges, quitte à reléguer au second plan l’agrès métallique qui chatouille le plafond.


Derrière la décontraction apparente, le fond de l’affaire n’a rien d’anecdotique. Depuis le sol ou depuis le sommet de la perche, les réserves de l’un et les injonctions de l’autre s’avèrent aussi solides que les appuis des deux acrobates. Même une fois agrippé à la cime de son mât, Matthieu engage une liste exhaustive des séquelles possibles en cas de chute ; les deux pieds bien campés dans le sol et tout l’attelage chargé sur l’épaule, Sidney se mue en maître de l’audace et défenseur du risque comme principe de vie. La configuration est peu commune, mais les termes du débat virent ni plus ni moins à la dispute philosophique : qui porte la responsabilité si le voltigeur mange le sol ? Et quid du public qui regarde la scène ? Est-ce qu’une peur irrationnelle en est moins légitime ? Vaut-il mieux crever de chaud ou de honte ?


Sans fard et sans chichis, De bonnes raisons sème l’air de rien quelques précieuses billes pour penser la notion de responsabilité, allègrement rythmées par des enchaînements au sol ou dans les airs, en solo ou en équipe. Dans cette conférence acrobatique livrée dans la confidence d’une séance d’entraînement, l’ultime prouesse sera peut-être moins dans la hauteur du plongeoir que dans les craintes explicitement dépassées pour pouvoir sauter le pas.


> De bonnes raisons de La Volte-Cirque, du 19 au 26 mai à la Maison des Métallos, Paris ; les 9 et 10 juillet à Entraygues sur Truyères, dans le cadre du festival La Grande Confluence