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Grimaçant.es, contorsioné.es dans des poses hiéroglyphiques, trois comédien.nes noir.es font face au public. Interruption soudaine dans la vie de ces Africain.ne.s génériques, habitants un pays inconnu. Le temps de cette scène grinçante de “zoo humain”, trois existences pourtant banales sont mises en suspens. Après cet interlude, la vie reprend pour l’universitaire renommée, la jeune journaliste urbaine et le barman à la masculinité fragile. Mais le ton est donné : la petite troupe n’est pas là pour incarner vos fantasmes.


Quelques meubles et cloisons dessinent dans l’espace scénique la chambre où la jeune femme reçoit son amant, le bar où travaille ce dernier, et le salon de cette professeure émérite. Ces pièces habitées par les protagonistes sont parfois animées par quelques effets sonores ou lumineux. La mise en scène est plutôt classique mais très vite, l’attention se porte ailleurs.


Incapable d’offrir un café à l’homme avec qui elle vient de passer la nuit, la jeune féministe (incarnée par Safourata Kaboré) est soudainement saisie d’un doute : ne serait-elle pas trop indépendante ? La pièce la montre alors aux prises avec ses propres contre-sens, dans une danse cathartique dont elle émerge à bout de souffle. Les références culturelles à «l’Afrique globale » abondent, sans plus de contexte. Odile Sankara et Léonora Miano font un théâtre fatigué de se présenter, et qui ne s’en excuse pas : à vous de googler tout ce name dropping à la fin de la représentation.


Un brin réac 


Curieusement, Et que mon règne arrive laisse une large place à la complainte masculine. Incompris, le seul homme sur scène fustige une société africaine régit par des femmes carnassières. En face, la jeune femme déboussolée joue le chaud et le froid avec ce garçon simple et plein de bonnes intentions. La démonstration des écueils d’un féminisme supposément misandre s'éternise. Le malaise est palpable, sans compter encore l’apologie d’une certaine « énergie féminine », concept vivement critiqué pour ses tendances essentialistes.


© Christophe Pean


Mais c’est là aussi toute la bravoure de Léonora Miano : mettre ses contemporain.nes face à leurs incohérences. Pour l’autrice, il est urgent que les afropéen.nes – ces africain.nes occidentalisé.es ou occidentaux d’origine africaine - s'émancipent de tout « dolorisme », du rôle de victime assignée que l’Europe voudrait bien leur concéder. Avec ce discours intransigeant, parfois brutal avec les siens, Léonora Miano ne se fait pas que des amis du côté des anti-racistes. « L’Afrique doit penser pour elle-même. », assène le personnage de l’universitaire, porte-voix de l’autrice sur scène, invitée à discuter de “sororité planétaire” avec des penseurs du monde entier. C’est de ça dont il s'agit : imposer l’Afrique non plus comme un sujet d’études, mais en tant qu'interlocutrice de premier plan.


> Et que mon règne arrive de Léonora Miano et Odile Sankara, du 25 au 29 janvier à la MC93, Bobigny

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