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Dunes de sables à perte de vue, figées dans un horizon immuable et inhabité : « désert » rime bien souvent avec « désolation ». Loin de là, répondrait Radouan Mriziga. Après avoir dévalé la montagne dans Atlas / The Mountain, le chorégraphe belgo-marocain s’attaque aux espaces désertiques, haut lieu de fantasme pour nos sociétés industrialisées. Intitulé d'après le nom d'un dieu solaire amazigh des îles Canaries , Magec / the Desert lève ainsi le voile sur une terre paradoxale à la croisée des temps et des voix.

 

Les interprètes, qui ont tous effectué une immersion dans les régions sahariennes en amont du spectacle, recréent sur plateau nu un désert spirituel et sensoriel, constellé d’images, de sons et de parfums propices à la contemplation. Bercée par le silence, une silhouette se fraye un chemin dans la pénombre pour brûler un encens dont les effluves boisés gagnent les gradins. Trônant au-dessus des arcades du cloître, un cadran mi-solaire, mi-lunaire fait défiler les jours et les nuits, convoquant pêle-mêle le film d’un nuage en champignon post-explosion atomique, des dessins graphiques futuristes ou des visions symboliques peuplées de mystérieux personnages encapuchonnés. Dans ce cadre atemporel, six danseurs et une musicienne avancent masqués sous une lumière orangée. Si leurs voiles en tissu, leurs capuchons à cornes ou à longues oreilles évoquent des rituels ancestraux, leurs pantalons et baskets de ville les ancrent à l’inverse dans un espace urbain bien contemporain.

 

Prolongement chorégraphique de cette dualité, les performeurs oscillent entre incorporation de mouvements zoomorphiques et enchaînements de figures hip hop martiales. En solo, duo, trio ou sextet, ils incarnent ainsi de fascinantes créatures polymorphes. À la course sautillante d’une gazelle ou la démarche anguleuse d’une chèvre, succèdent les footworks, tricks et autres figures acrobatiques. Entre ces pas de danse à la fois souples et puissants, leurs atterrissages de salto martèlent le sol tels des coups de tonnerre. Tandis que les six danseurs forment une fraternité joyeuse mue par une énergie communicative, au balcon, la productrice tunisienne Deena Abdelwahed – seule femme dans cette pièce au masculin – mixe pulsations électro et mélodies orientales pour les entourer d’un paysage sonore envoûtant.

 

Ouvrant les voix du désert, Radouan Mriziga met en lumière un univers riche d’histoires et de personnages énigmatiques, bien loin de la sémantique qui entourent le vide de ces espaces, renvoyant le plus souvent à l'absence ou à quelque métaphysique de l'existence. Cependant, la myriade d’images et de symboles déployée entre danse, projections et sons dessine une fresque aux contours diffus. Si les séquences de groupe tracent des lignes de force, la pièce gagnerait à resserrer la focale sur un axe qui assure la cohérence de ses vignettes. Magec / the Desert reste une charmante traversée, où perdre la notion du temps revient à gagner un supplément d’âme.

 


Magec / the Desert de Radouan Mriziga, a été présenté du 7 au 12 juillet dans le cadre du Festival d'Avignon au Cloître des Célestins, Avignon


⇢ les 9 et 10 octobre à Culturescapes, Bâle (Suisse)

du 15 au 18 octobre dans le cadre du Festival d’Automne au Théâtre Public de Montreuil 

les 28 et 29 octobre au Théâtre de Vidy-Lausanne (Suisse)

le 31 octobre au Kurtheater, Baden (Suisse)

 

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