CHARGEMENT...

spinner

Maguy Marin est en colère. Elle n’est pas la seule. Un mur de bois barre la scène dès l’ouverture de sa dernière création. On y lit en capitales noires : Soros, Pinault, Niel, Musk, Rothschild et plus d’une centaine d’autres noms de milliardaires, politiques ou patrons d’empire médiatique. Si d’emblée ce « mur des puissants » s’effondre tel un château de carte, la colère reste. Sous une guirlande de guinguette, bras dessus bras dessous, une ribambelle de danseurs défile, adoptant la gestuelle hachée d’une gigue de bal. Amateurs de danse « qui danse » : passez votre chemin. Ces quelques gestes coordonnés seront les seuls du spectacle. Car, après tout, à quoi bon danser aujourd’hui ?

 

Aux majuscules qui nous accueillaient répondent celles du titre du spectacle, DEUX MILLE VINGT TROIS – et rien d’autre. Parce qu’il n’y a peut-être rien à ajouter. Parce que l’actualité récente donne envie de hurler. Parce que Maguy Marin n’a plus envie de « jouer à faire un spectacle de danse ». En 2017 déjà, la chorégraphe avait fait le coup du spectacle-revue de presse à chorégraphie réduite, le bien nommé DEUX MILLE DIX SEPT. Elle réitère donc cette année et pousse le bouchon un peu plus loin. Guirlandes éteintes, les sept interprètes s’appareillent – micros, radio, écran plat – puis prennent la parole. Ça dénonce sans relâche : dérives du pouvoir, scandales juridiques au sein du gouvernement, liens entre médias et argent – les raisons ne manquent pas. À l’écran, sur fond noir, des photographies des intéressés, des logos, des visuels de banque d’images défilent, tels quels, sans souci d’esthétisation. 

 

Et c’est là toute la radicalité du geste de Maguy Marin. Elle ne s’embarrasse plus d’aucun alibi artistique, d’aucune manière, pour transmettre l’engagement militant qui l’anime depuis ses débuts. Doté d’une généreuse tournée avant même sa première, DEUX MILLE VINGT TROIS est donc ce cheval de Troie qui fait de n’importe quelle scène sa tribune. Usant de la confiance des instituions, Maguy Marin s’empare de la salle de spectacle pour en faire un lieu de contre-pouvoir où manifester sans filtre sa colère – et la nôtre – contre les Zemmour, les Polony, les Darmanin et même les Stéphane Bern de ce monde.


DEUX MILLE VINGT TROIS de Maguy Marin

⇢ du 5 au 9 mars aux Théâtre de la ville - Les Abbesses, Paris

⇢ du 19 au 21 mars à la Comédie, Saint Etienne

⇢ le 9 avril au Gymnase, Roubaix


Lire aussi

    Chargement...