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Standing ovation. À la fin de Kill Me, la salle se soulève et applaudit de longues minutes. Il parait que Fuck Me, le premier volet de la trilogie autofictionelle de Marina Otero joué sur la même scène la semaine précédente, a fait un effet similaire. Lartiste argentine a son public. La recette ? De l’intime et du trash, des tubes pop et pas mal d’exhibition. Cette fois, la pièce s’intéresse à la maladie mentale et à la tentation du suicide. La metteuse en scène, omniprésente sur le plateau et accompagnée de ses 5 danseureuses, s’étale sur sa crise de la quarantaine, son obsession pour un ex narcissique et ses tendances borderline. Avant l’arrivée des performeureuses – une bande de punks neurodivergent.es et sans-filtre –, un écran diffuse des archives vidéos tirées de la vie réelle de Marina Otero. Marina à 9 ans qui joue la morte. Marina sous la douche, pistolet en main. Marina et son amant dans un lit défait. La mise-en-bouche voyeuriste fait effet. Qui prétendrait résister au déballage de l’autofiction ? 

 

Psycho lover 

 

Pour accompagner ses danseureuses en mode Lara Croft (portège-genoux et Rangers comme simple appareil), Marina Otéro a imaginé un double du célèbre Vaslav Nijinski. Connu pour sa beauté ambiguë et ses prouesses physiques, le personnage écrit par l’artiste argentine n’a rien de tout ça. Petit, gros et irascible, l’interprète incarne la face sombre du « Dieu de la danse ». Nijinski était diagnostiqué schizophrène. Et bien qu’on se passerait des blagues sur les nains ou sur l’inceste – la salle, elle, en redemande –, il faut avouer la prouesse : pendant quelques minutes, on imagine plutôt bien ce que ça fait d’être dans le cerveau d’un génie tyrannique. Après ce solo, senchaînent des tableaux chorégraphiques assez répétitifs. Chaque danseureuse raconte son rapport à la démence, sans crainte de sonner grandiloquent.e. Lune danse sur Psycho Killer des Talking Heads, lautre sur Candle in the Wind dElton John. Les mouvements se veulent expiatoires, ils sont assez attendus. Les artistes sont fous, les célébrités aussi. Rien de neuf sous le soleil. 

 

Mais Kill Me a dautres atouts : la pièce est drôle. Vous est-il déjà arrivé de prendre un fou rire sur une citation de Lacan ? Pendant 20 minutes, un double d’Édith Piaf sous lithium sert du pathos à un public dubitatif. Soudain, la danseuse brise le charme en une demi-phrase ironique. L’assemblée explose d’un rire soulagé. On rigole franchement du mélange de références pop et psychanalytiques et de tous les clins d’œil à l’histoire de la danse, classique et contemporaine. On rit moins du comique de situation grivois. On souffle carrément quand il s’agit d’uriner sur scène. Entre le potache et le salace, la frontière est mince mais Marina Otero s’en fout. Elle pousse à bout sa bande de clowns tristes et la plupart du temps, ça marche. 

 

Mise en scène « radicale »

 

Marina Otero met en scène la nudité, la douleur, les psychotropes et les pensées suicidaires. Elle met en scène son malheur et sa propre souffrance. Face au public, elle raconte pourquoi elle a imaginé Kill Me : pour faire affront aux programmateurs de théâtre, toujours avides de nouvelles créations à présenter. Après réflexion, elle n’est plus très sûre que ce soit leur faute. Et si c’était elle qui orchestrait sa propre exploitation ? Marina Otero voulait parler de folie amoureuse, pour faire moins autocentrée, elle pitch sa pièce comme une réflexion sur la maladie mentale. Jouant avec les attentes institutionnelles, la metteuse en scène cherche sa liberté en live et doute avec son public. Mais quimporte la sincérité de ce cirque, le régime de monstration convoqué savère assez convenu. « Nous faisons sur scène des choses que nous sommes les seuls à comprendre » souffle-t-elle au bord du plateau, durant une scène de fin étrange et cryptique. Un éclat de poésie final qui balaye les facilités du récit de soi ou autre mises en abyme. Derrière elle, un tableau mouvant à la Dalí : un Cupidon décati, un chameau de satin et une poupée désarticulée.

 

 

Kill Me de Marina Otero, jusquau 29 septembre au Théâtre du Rond Point, Paris


--> du 26 au 29 mars aux Célestins, Lyon

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