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Laeti est née un 26 avril 1986. Le même jour que sa sœur jumelle et que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Ce n’est peut-être pas un hasard si la jeune femme se traîne un eczéma chronique, un sarcasme au couteau et qu’elle angoisse face à l’urgence environnementale. Alors, quand son village natal dans la Meuse envisage d’enfouir des déchets nucléaires dans ses propres sols, l’inaction n’est plus une option. Noms de code, banderole, infiltration dans une centrale nucléaire : son premier sabotage avec un collectif d’éco-activistes est instantanément réprimé par la police. Mais : « ils ont la police, on a la peau dure », souffle la militante en devenir. Sortie de garde à vue, son téléphone est sur écoute et elle est fichée S, mais sa détermination est inébranlable. 

 

C’est sur ce souvenir que s’ouvre la pièce. Assise derrière une table, mégaphone à sa gauche, bouteille de 1664 à sa droite, elle déballe ses souvenirs. Adapté du roman éponyme de Hélène Laurain, Partout le feu (Verdier, 2022) est un monologue sans ponctuation à la temporalité floue que Stéphanie Aflalo incarne avec justesse. À l’image de son héroïne atypique, la mise en scène de Colas se donne des airs DIY : post-it filmé de près, téléphone collé au micro pour passer du son. On en oublierait presque le dispositif multimédia finement réglé qui soutient le récit : prises de vue multiples, photos, échanges SMS et vidéoclips sont projetés en fond de scène. Dans son flot monotone, Laeti mélange tout :  militantisme, teufs, flirts, potes, famille, haine de l’autorité, Nick Cave qu’elle vénère et le docu Wild Plants de Nicolas Humbert, l’étincelle de son engagement.

 


© Simon Gosselin



Entre deux anecdotes cinglantes, un rappel, sur post-it encore : « La crise actuelle est 100 fois plus rapide que la dernière extinction naturelle – les dinosaures. » Pour autant, Partout le feu ne fait pas la morale. C’est la démonstration par l’intime de l’impact du dérèglement climatique sur ceux qui essayent de le prévenir. Ce mal a un nom : la solastalgie, une détresse paralysante face à la dégradation de l’environnement. C’est aussi l’épuisement d’une génération entière blasée d’attendre que la catastrophe nous engloutisse pendant que la société détourne le regard. Cette dysphorie contamine la structure même de Partout le feu : les pauses sont marquées, la pièce prend son temps et Stéphanie Aflalo hypnotise. Si bien qu’en sortant de la salle, ses émotions sont les nôtres : une frustration face à une situation qu’on nous impose, couplée à un brûlant désir de révolte.  

 

Partout le feu de Hubert Colas a été présenté le 18 juin dans le cadre du festival Latitudes Contemporaines à l’Oiseau-Mouche, Roubaix


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