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Il aura fallu la reprogrammation de La Mélancolie des dragons pour réaliser combien il est émouvant de découvrir sur le tard les premières œuvres des artistes que l’on aime. Pour les 20 ans de sa compagnie, le Vivarium Studio, Philippe Quesne réactive cette pièce de 2008, suggérant un dialogue avec sa dernière mise en scène, Le Jardin des délices, avec laquelle elle pourrait faire diptyque. On doit l’initiative au Festival d’Automne et au Centre Pompidou qui, hormis les maisons d’opéra, font partie des rares institutions à se soucier d’un enjeu souvent délaissé : le répertoire. Et c’est dommage, car réviser ses classiques a du bon, surtout lorsqu’ils sont si contemporains et atemporels. 


Face à une forêt enneigée sur scène, à contempler une petite troupe de hard-rockeurs au grand cœur transformer leur attente en événement, la réception se double rapidement d’un jeu de piste. Ici et là on se surprend à chercher les motifs obsessionnels de Philippe Quesne. Bien avant que son travail ne soit rattrapé par l’urgence politique de repenser notre rapport au vivant, le biotope était déjà son personnage principal. Un milieu de vie dont l’artificialité assumée sert d’imparable ressort humoristique, et qui suggère que le metteur en scène a très tôt intégré l’idée que le concept de nature avait tout d'un mensonge. Évoluant dans ce « vivarium », des petites sociétés de losers magnifiques rejouent sans cesse la même aventure. Une épopée du minuscule où l’enchantement se bricole à partir de presque rien plus une tonne de tendresse, comme un appel à habiter les troubles du présent avec toute la grâce dont nous sommes capables. Si un duo guitare / flûte à bec peut vous arracher une larme entre deux éclats de rire, tout est possible.  


Dans certains détails – une structure en plastique, une typographie bien connue – se lisent déjà les spectacles qui ont suivi depuis, comme d’involontaires clin d’œil. Charriant le souvenir d’autres représentations, notre mélancolie de spectateur redouble celle des dragons. Et c’est là la magie de l’art de Philippe Quesne : produire une nostalgie qui n’a rien du regret réactionnaire d’un « c’était mieux avant », mais tout d’une promesse. Les mondes engloutis ne le sont jamais tout à fait, et il ne tient qu’à nous, à l’image de cette bande de forains du dimanche, d’apprendre à les ressusciter.



La Mélancolie des dragons de Philippe Quesne

⇢ du 10 au 17 décembre au Centre Pompidou, Paris, dans le cadre du Festival d’Automne


Le Jardin des délices de Philippe Quesne

⇢ les 5 et 6 avril 2024 au Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles

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