CHARGEMENT...

spinner

Avec ou sans gradins, les conventions théâtrales ont la peau dure et avec elles les habitudes des spectateurs. Contre la routine et les petites manies, la programmation de la 6ème édition du week-end Sur les bords s’applique à déjouer les limites du cadre scénique. Katerina Andreou y présentait Rave to Lament, duo pour une danseuse et une 206 né hors des salles de spectacle dans la banlieue d’Athènes, et présenté cette fois dans les emplacements déserts d’un parking en sous-sol.


Quelques instants plus tôt, nous étions encore attablé.e.s dans le foyer du théâtre. En une dizaine de mètres et moitié moins de minutes, les néons somnolents du parking attenant imposent le chuchotement. Dans le petit peloton rassemblé par la fraîcheur de saison, une silhouette en T-shirt se distingue, plongée dans la répétition cyclique d’une session de clubbing livrée en slow motion. Avec son immanquable R.I.P imprimé sur toute la largeur de son maillot, Katerina Andreou invoque silencieusement les feux de la fête et transforme doucement l’espace du parking en scène déambulatoire.

 


Rave d’ailleurs


Les yeux mi-clos, le geste esquissé et pris dans une lente rotation continue glissant de la nuque au bout des doigts, la performeuse étire la zone grise entre le souvenir d’une soirée passée et la répétition consciencieuse pour une célébration à venir. Dans le calme sourd du garage à voitures vidé de ses occupantes, à l’exception notable d’une flamboyante 206 à néons roses et grosse basse dans le coffre, la transe toute en modestie de Katerina Andreou appelle sans trop se forcer à l’errance introspective. Plus encore lorsqu’elle se double d’un dialogue pour deux voix, retranscrit sans filtre sur l’un des murs en béton nu. Dans le geste comme dans le verbe, la rave –  la fête clandestine – est à l’honneur. Et dans l’un comme dans l’autre, il est question de la mort, de la vie, de l’éternité et de l’éphémère. Sans aplanir le propos, la solitude du corps répond à celle qui se décrit en toutes lettres. Dans l’énergie enivrante de la célébration, la colère marque les mouvements en saccade et les ponctuations graphiques.


Mais la faute au thermomètre, aux brutalités de l’époque, ou peut-être plus simplement aux assignations bien rodées des dispositifs en salle, Rave to Lament peine à abattre la retenue d’un public posté à bout de bras. Et même avec le lancement entraînant d’un remix dancehall electro composé par Katerina Andreou, même avec l’accélération encore des déplacements teintés de krump de la performeuse, le mur des conventions ne parviendra pas à nous faire entrer pour de bon dans la fête revendicatrice qui se vit pourtant sans économie juste sous nos yeux.



> Rave to Lament de Katerina Andreou, le 14 septembre aux Subs, Lyon, dans le cadre de la Biennale de la Danse ; le 16 septembre au CCN2 Grenoble