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Dans les arts martiaux comme dans les acrobaties, les prises sont fondamentales. À cela près que dans un cas elles prémunissent du risque, dans l’autre elles le constituent. C’est exactement le type de principes en apparence inconciliables dont Saïef Remmide, chorégraphe venu du break, nourrit sa recherche artistique. Déjà pour NaKaMa, sa première création (et aujourd’hui le nom de sa compagnie), le jeune annécien s'entourait de quatre danseur·euses venu·es d’horizons éloignés – du hip-hop à la contorsion – pour orchestrer la coordination à vue de personnalités singulières. Dans le sillon de sa rencontre avec le circassien Antoine Deheppe, Saïef Remmide poursuit son obsession pour la coexistence plurielle avec Complex-Us, fin tissage de suspensions, de danse et d’arts martiaux mené aux côtés des artistes d'acrobaties aériennes Lara Gueller et Tiare Salgado.


Dans les airs, à plusieurs mètres du sol, une étrange suspension métallique. À terre, dans l’ombre du vaisseau flottant, un carré noir de forme et de proportions équivalentes. Façon Pacman, des corps robotiques traversent la zone par sauts latéraux en position accroupie. Faces fermées, corps en tension, le vide de la scène se creuse un peu plus par l'aridité des expressions. Deux, puis bientôt quatre corps de croisent sans se voir, tissent le motif de leurs solitudes. En miroir, deux binômes se forment, exécutent à l’identique une même chorégraphie, laissant transpirer dans le revers d’un poignet ou le claquement des appuis l’irrépressible singularité de chacun·e. Dans l’espace de ce dojo détourné, des mouvements d’assaut et des projections directement tirés du JuJitsu ou du Wing Chun se confondent avec des jetés acrobatiques à deux, trois ou quatre. La collaboration verse à la confrontation, l’étreinte au plaquage.


À la façon d’une fable botanique, les quatre pousses s’élèvent et se déploient au rythme d’une composition musicale aux sonorités cosmopolites. Guidées par la plus grimpante, le groupe gagne la plateforme aérienne. Soumis à la contrainte de la suspension, la grammaire commune gagnée au sol oblige à une révision collective. Oubliez projections et jeux d’élévation. Place au règne de la gravité, des effets de balancier et jeu de glissement depuis les barreaux de la plateforme, le mou d’une corde ou tout simplement le genou du voisin. Par les jeux d’appuis, de prises et de contrepoids, le groupe devenu organisme nous embarque - littéralement - dans sa quête d’espace, possible seulement par la coordination des forces et des directions. D’une forme en apparence modeste, ramenée à l’essentielle – des costumes jusqu’à la scénographie –, Saïef Remmide réussit l’air de rien à régaler de prouesses techniques tout en composant une pièce ouverte à l’interprétation, mais où l'évidente appétence de son auteur pour l’altérité transparaît autant que le souci de faire dialoguer les différences.



Complex-Us de Saïef Remmide a été présenté du 6 au 8 mars à Bonlieu, Annecy

⇢ les 15 et 16 mai à Malraux, Chambéry

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