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Bracelets colorés, spectateurs répartis en groupes, parcours tracé : une organisation au cordeau encadre la nouvelle création d’Armel Roussel. Et celle-ci est à la hauteur de son ambition : donner vie à douze nouvelles de l’Américain Raymond Carver, monument de la littérature anglophone disparu en 1988, dans deux séries de six micro mises en scène interprétées simultanément. Le public flâne ainsi d’une saynète à l’autre, chacune d’une vingtaine de minutes, comme on picore dans un recueil de nouvelles. « Face A » ou « Face B », à vous de choisir quelles aventures vous souhaitez vivre. 

 

Au programme de la « Face A », des instantanés du quotidien de la classe moyenne, terrain de prédilection de Raymond Carver. Un solitaire alcoolique aux prises avec sa famille, dans Where’s everyone. Un couple mis à mal par ses secrets, dans Tais-toi, je t’en prie. Un père qui se remet difficilement de sa rupture avec sa femme, dans Fièvre. La recette de Carver : un nombre réduit de personnages, peu d’action et une langue sobre. Pour mettre en scène cette trivialité, Armel Roussel joue la carte de la proximité : une quinzaine de spectateurs, une lumière tamisée rougeoyante, des casques sonores, un espace de jeu restreint – à peine quelques mètres carrés – et une mise en scène le plus souvent en quadri-frontal. La machine tourne à merveille : d’un box à l’autre, le personnel du théâtre nous guide en silence et un bingo nous attend dans le hall pour patienter entre deux épisodes.  

 

Le dispositif et son exécution ont tout pour séduire mais les textes réunis dans Soleil sont-ils un poil en dessous de cette prouesse technique ? Les nouvelles de Raymond Carver s’articulent en grande partie autour des mêmes motifs : des relations conjugales qui battent de l’aile. Synthétisés pour coller au timing de ce multiplexe théâtral, certains textes peinent à se démarquer et accusent quelques redondances. Se dégage alors l’impression que c’est pour son élasticité, propice à l’adaptation théâtrale, que cette matière littéraire a été choisie, davantage que pour son propos. Soleil constitue malgré cela une proposition solide en matière d’immersion théâtrale dans des récits – on pense aux témoignages simultanés du Procès de Bobigny d’Émilie Rousset, aux chambres testamentaires du Nachlass de Rimini Protokoll, ou au marathon littéraire du Maison Duras de Julien Gosselin. Les nouvelles de Raymond Carver n’ont peut-être plus le même éclat qu’en leur temps, reste la puissance d’évocation sans pareil du spectacle vivant en petit comité, qu’Armel Roussel exploite avec une grande maîtrise. 

 


Soleil de Armel Roussel a été présenté du 6 au 22 juin au Théâtre de la Tempête, Paris 

 

⇢ du 30 septembre au 4 octobre au Théâtre du Nord, Lille 

⇢ du 14 au 22 novembre au Théâtre des Tanneurs (Face B) et au Théâtre Varia (Face A), Bruxelles (Belgique)


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