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Collés, parfois serrés, une vingtaine de jeunes massés comme en boîte de nuit ondulent sur des tubes afro-house. Ici, un homme fait tournoyer sa partenaire, là, un baiser est volé. Plus tard, un grand barbu s’éjecte du groupe pour initier un jeu de jambe frénétique, à en décoller le parquet : « Je ne me serais jamais imaginé faire ça un jour. Au début, je me mettais tant que possible dans le fond, derrière les autres, pour pas qu’on me voie », avoue Florian Remblier, étudiant de l’ENSATT originaire de Cergy. Jeune auteur de scénarios, de textes dramatiques, et d’un roman de cinq cents pages perdu dans ses tiroirs, il lui aura fallu deux semaines et demie, coaché par la chorégraphe Jolie Ngemi, pour passer d’homme de l’ombre à star de la scène. Séraphin Rousseau (ENSATT), lui non plus, ne savait pousser la chansonnette il y a un mois : il aura appris grâce aux conseils de Marie-Pierre Brébant, spécialiste de musique baroque, qui l’a incité à utiliser des gammes de la Renaissance pour chanter un texte de Reggiani (Le temps qui reste) sur des percus hip-hop. Tout un programme. 

 

Ici, tous sont invités à sortir de leur zone de confort : les chanteurs à danser, les comédiens à chanter, les danseurs à déclamer. Mobilisant vingt talents soutenus par la Fondation d’entreprise Hermès – dans le cadre des bourses Artistes dans la Cité –, Sweat, Glitter and Moolah porte bien son nom : de la sueur, il en abonde dans ce spectacle déambulatoire déployé dans quatre salles des SUBS, trois heures durant. Au programme : radio pirate aux émissions loufoques (au hasard, une intervention du prétendu « majordome de Liliane Bettencourt »), chorale inspirée des polyphonies de la Renaissance, et création chorégraphique traversée d’influences break. Un défi organisationnel qui n’a effrayé ni Marlène Saldana ni Jonathan Drillet, les metteurs en scène aux rênes de ce projet, désireux d’exploiter le lieu lyonnais chargé d’histoire – ancien couvent devenu par la suite une boulangerie militaire. Pour les paillettes, il faut demander à Gabriela Lopez. Cette Rennaise, fraîchement diplômée de l’ENSATT en conception costume, a profité d’un large atelier avec vue sur la Saône pour confectionner les tenues du show : pièce phare de ce vestiaire, de flamboyants joggings argentés, de quoi lier chic et confort. Et la « moolah » ? Dans l’argot urbain, ce terme fait référence à l’argent. Que serait la joie d’en finir avec les études sans la question du financement ? Dans cette création, le pognon n’est pas tabou, au contraire, la vie d’artiste c’est aussi (surtout ?) ça. Sweat, Glitter and Moolah est donc pensé comme un tremplin pour des professionnel·les en début de carrière, chacun·e ayant pu se montrer force de proposition dans ce geste collectif. 

 

© Ph. Lebruman


Si l’argent ne fait pas le bonheur, son absence peut faire perdre la tête. Autre espace, autre ambiance : « Alors attends. Vas-y, vomis ! Maintenant crie, crie, crie. Reviens au micro, c’est de la radio quand même. Après tu tombes. » Marlène répète avec un de ses poulains. Nous sommes dans le coin radio : les spectateurs seront munis de casques. Radio, oui, mais radio augmentée. Pendant plusieurs minutes, Gabriel Dahmani – révélé dans L’Esthétique de la résistance de Sylvain Creuzevault –, vêtu d’un t-shirt La Haine qui va si bien à son jeu, gesticule, hurle, trépigne, allant et venant, entre les micros de la table d’enregistrement et les auditeurs présents dans la salle. Les directions sont claires, la mise en pratique un peu moins, surtout lorsqu’il s’agit d’interpréter une compilation YouTube des moments de folie de Nicolas Cage.   À l’heure des derniers préparatifs, une chose est déjà certaine : pour les artistes comme pour le public, le foisonnement de performances prévu par Sweat, Glitter and Moolah promet d’être sport.



Sweat, Glitter and Moolah

⇢ les 21 et 22 décembre aux SUBS, Lyon

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