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Dès 2009, avec la pièce Twenty Looks or Paris is Burning at the Judson Church, la gestuelle des défilés de mode est intégrée à vos chorégraphies. D’où vient cet intérêt pour les podiums ? 

 

Ces espaces d’expression de la féminité m’ont toujours fasciné. En scrutant des heures de défilé en vidéo, nous avons tenté de décrypter la marche des modèles sur les podiums, de capter cette manière si précise, technique et méthodique de se mouvoir. Transposer ce mouvement dans la danse contemporaine a peut-être été ma plus grande contribution. À ma grande surprise, ces mises en scène de runway ont touché les spectateurs et il y a une raison à cela : tout le monde comprend les codes d’un défilé de mode. Avant les années 2000 et l’apparition de shows télévisés dédiés, l’univers de la mode était plutôt confidentiel. Il s’est démocratisé avec Project Runway ou America's Next Top Model, puis sur YouTube. C’est une forme qui fait aussi écho aux questions de genre, comme le souligne l’esthétique du voguing aujourd’hui redécouverte. Même si je viens des études féministes post-coloniales, nous étions peu préoccupés par ces problématiques lors de la création de la pièce Twenty Looks or Paris is Burning at the Judson Church, mais plutôt par la chorégraphie même des défilés. 

 

La charge queer de votre danse est donc plus implicite que littérale ? 

 

Beaucoup voient un questionnement sur la transidentité dans mes spectacles. Mes costumes sont non binaires, c’est vrai, mais je crois qu’à l’époque de Twenty Looks or Paris is Burning at the Judson Church, nous abordions ces questions sans le savoir. En cela, la danse est importante car elle précède le langage. Quand le langage arrive, des divisions politiques s’installent. Anti-normativité, fluidité de genre, non-binarité… : je ne dénigre pas cette nouvelle terminologie, elle permet de nommer des réalités. Mais à l’époque de la création, les spectateurs lisaient mes pièces à travers le prisme de leur imaginaire avant d’y coller des concepts. Si je débutais ce travail aujourd’hui, la réception serait bien différente, on m’aurait immédiatement placé dans une catégorie.

 

In the Mood for Frankie © Laurent Philippe


Pourtant, votre parcours est à la croisée de la chorégraphie et de la pensée critique. Diplômé de Yale, vous vous formez notamment au Centre National de la Danse à Paris auprès de Yvonne Rainer puis à la Martha Graham School of Contemporary Dance de New York. Comment votre bagage théorique dialogue avec votre travail de chorégraphe ? 

 

Mes premières recherches portaient sur les liens entre la danse postmoderne et le voguing. À partir de 2013, je me suis penché sur le travail du maître du butô Tatsumi Hijikata, ce qui m’a transformé en tant que danseur. Je voyais enfin une danse qui collait à mon propre système de valeurs. J’ai été fasciné par sa capacité à invoquer le théâtre folklorique japonais, qui mettait en scène les laissés-pour-compte : prostitués, malades, infirmes, criminels, drogués… Du moins, avant que cette forme ne s’embourgeoise et s’aseptise. Il y a quelque chose de cet ordre dans mon travail : j’aime montrer la vulnérabilité. La danse comme moyen de se montrer invincible ne m’intéresse pas, ça a été fait et refait. 

 

En amont des représentations de The Romeo, vos interprètes distribuent dans les rangs du public une « Foire aux questions », sorte de guide pour regarder la pièce, où vous exposez les origines d'une danse fictive dans un format question / réponse. Vous-même, en tant qu’interprète et metteur en scène, descendez de la scène pour saluer le public sortant à l’issue du spectacle. Quel est votre rapport à la salle ?

 

L’explication est très simple : j’aime le public ! Je n’ai pas envie d’être contre lui. Je veux que ce moment passé au théâtre soit le plus joyeux possible. Faire un spectacle, c’est comme inviter un ami chez soi : je vous recevrai dans le plaisir et l’amusement. Je ne vais pas vous servir un plat froid ! De la même manière, nous avons pour habitude de saluer nos amis dans le public. Nous brisons toutes ces règles absurdes de bienséance.

 


Demanding Whispers de Trajal Harrell

 le 26 octobre à la Librairie 7L

Caen Amour de Trajal Harrell

 du 27 au 29 octobre au TPM, Montreuil

Tambourine de Trajal Harrell et le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble

⇢ du 23 au 25 novembre au Centre Pompidou, Paris

(M)imosa or Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church (M) de Cecilia Bengolea, François Chaignaud, Trajal Harrell et Marlene Monteiro Freitas

 du 29 novembre au 3 décembre au CN D, Pantin

The Romeo de Trajal Harrell et le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble

 les 30 novembre et 1er décembre à la Comédie de Clermont-Ferrand

 du 7 au 9 décembre à la Grande Halle de La Villette, Paris

Maggie the Cat de Trajal Harrell

du 14 au 16 décembre à la Grande Halle de La Villette, Paris

The Köln Concert de Trajal Harrell et le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble

du 20 au 21 décembre à la Maison de la Musique, Nanterre

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