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En plateau, un carré de PVC blanc. Côté cour, Yasminee Lepe assure l’accueil : à l’orientale, elle salue chaque spectateur en lui serrant le bras. Côté jardin, un musicien sur laptop envoie déjà la bande-son, fortement électronique. La « bio-installation » peut s’activer. La danseuse-chorégraphe tire une bâche plastique et révèle un monticule de terre sombre, de plants de ficus à mi-croissance, de lianes, de fils électriques, certains tombant des cintres. Ambiance Jardiland, donc. La composition sonore s’augmente de nouveaux éléments, traités par ordinateur : la respiration et les mouvements de la performeuse et, comprend-on, les vibrations des plantes transmises par capteurs audio. Écouter le silence est la consigne – ou, plus exactement, ses discrètes nuances. À nous donc de percevoir ce concert de « neurobiologie végétale ».


Une performance écolo élégamment dansée, aux accents zen ? Il y a de ça et plus encore. L’ambition et le dispositif d’État végétal, première mise en scène de Yasminee Lepe, ne manquent pas de stimuler même s’ils ont un précédent. En 1965, le compositeur John Cage et le chorégraphe Merce Cunningham, binôme phare de l’avant-garde musicale et de la modern dance américaines, avaient déjà tenté de déchiffrer le langage du vivant. Leur Variations V mobilisait des cellules photo-électriques pour convertir les mouvements des danseurs en sons, ainsi que des microphones plantés dans des pots de fleurs pour en capter les éventuelles sonorités. En 2024, à l’heure où les préoccupations écologiques tiennent le devant de la scène, reproduire un tel procédé tombe sous le sens.


À cette démarche, Yasminee Lepe intègre un aspect plastique. Avec de la terre brune versée depuis des sacs en jute, la danseuse trace un rectangle au sol et verse dans l’expressionnisme abstrait. Dans son action finale, c’est le symbolique qui prime : une transe techno la gagne, elle et les plantes qui s’agitent et s’élèvent, animées à distance par une marionnettiste. Ces végétaux grimperont-ils jusqu’aux cieux ou, faute de mieux, aux cintres ? S’agit-il d’un duo humain/mandragore ? Une tentative de contact du moins, médiée par la technologie mais branchée sur nos sens, tous à l’affût.   

 

État végétal de Yasminee Lepe a été présenté du 6 au 8 mars 2024 à la Pop, Paris

⇢  le 19 juillet au Havre dans le cadre du festival Supernature.

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