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Un entretien extrait du n°126 de Mouvement



La France serait redevenue une « société d’héritiers ». Qu’est-ce que cela signifie ?


Depuis les années 1970, la part de l’héritage dans le patrimoine des Français prend de plus en plus d’importance, au détriment de celle provenant du travail et de l’épargne. Autrement dit : « mieux vaut hériter que travailler ». Dans Le Capital au XXIe siècle (2013), Thomas Piketty montre que l’héritage a retrouvé un poids comparable à celui qu’il détenait au XIXe siècle dans les ressources totales des ménages. À force d’efforts, nos pa

rents et nos grands-parents pouvaient acquérir une résidence principale depuis les seuls revenus de leur travail. Et même une résidence secondaire, s’ils s’en sortaient bien. Aujourd’hui, la plupart de ceux qui gagnent relativement bien leur vie n’y arrivent plus sans apport familial. Nous pourrions nous dire : après tout, pourquoi pas une société de petits héritiers ? Mais les sociétés d’héritiers ne sont pas des sociétés où tous sont héritiers. Au contraire, celles-ci sont extrêmement inégalitaires et de plus en plus, avec une concentration du patrimoine qui se renforce au sein de certaines familles au fil des générations. Cette réalité de l’extrême disproportion des fortunes est largement sous-estimée par les Français.



En quoi ces inégalités entre individus se doublent-elles d’une injustice intergénérationnelle ?


En 1820, on héritait en moyenne à 25 ans. Aujourd’hui, on hérite en pleine propriété en moyenne à 60 ans ! L’héritage est devenu un point d’arrivée. Mais nous continuons de légitimer la transmission familiale par l’idée que ce serait un point de départ pour les jeunes. Ce phénomène, que j’appelle la « seniorisation de l’héritage », aggrave la situation comparativement au XIXe siècle. Nous n’en avons pas encore pleinement pris la mesure, ni intellectuellement, ni politiquement. Le premier problème que cette seniorisation pose est celui des usages du patrimoine, bien étudiés par l’économiste André Masson. Le risque, au XIXe siècle, était que les jeunes h&

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