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« La personne qui trouve d'où provient le titre du festival gagne un passe gratuit », lançaient gaiement à la cantonade les directeurs artistiques du festival – Martine Altenburger et Lê Quan Ninh, lors de la 1e édition ! Depuis le mystère a été levé (1), et pour la 4e année consécutive, le festival fait rayonner le petit village de Saint-Silvain-sous-Toulx (déjà un poème) de 147 âmes (2).  

Quand on pénètre sur le camp de base dédié aux musiques contemporaines – écrites et improvisées, on découvre dans un grand pré : un chapiteau qui accueille concerts et spectacles ; une exposition d'instruments sonores ingénieux à partir de matériaux de récupération ; une tente pour des « ateliers du bruit » (bain sonore, bruicolage…) ; un bar et de grandes tablées où l’on échange avec les artistes sans pré carré. Sans oublier un stand des éditions Metampkine qui œuvrent pour faire connaître les musiques électroacoustiques et improvisées, historiques et actuelles, et un coin « Coup de gueule » dénonçant l'absence de politique culturelle du département et la coupe budgétaire cruelle envers les associations (3), mais aussi un risque environnemental mis en lumière par Le Collectif Stop Mines 23.

Dans l'espace Radio Friture,  enfin, une équipe de huit étudiants des Beaux-arts de Bourges propose des émissions inventives durant les trois jours du festival, comme par exemple l'interprétation, par des festivaliers, de la pièce de John Cage – Radio Music (1956), où l’instrument de musique est une radio, et la partition, une suite de fréquences que chacun exécute librement. Une performance collective jubilatoire. La présence de cette joyeuse équipe s’inscrit dans un beau projet itinérant durant tout le mois d’août. Une radio sur la route avec 7 haltes, à la rencontre de collectifs sonores, d'arts vivants, d'arts visuels, et de personnes engagées dans l'expérimentation collective(4).

 

Un festival en mouvement

Le bruit de la musique métamorphose ainsi une simple pâture en lieu artistique vivant, un espace convivial où se côtoient festivaliers, habitants, bénévoles et artistes. Bien loin de l'entre soi. Un espace où l'on se sent disponible pour ouvrir ses oreilles autrement.

Le bruit de la musique se veut être un témoin des croisements entre les différents artistes, un creuset où les générations et les courants coexistent. Il invite des artistes représentatifs des différentes esthétiques contemporaines que sont l’interprétation des œuvres nouvelles et l’improvisation. Il propose aussi plusieurs programmes d’un artiste ou d’un ensemble en lui donnant carte blanche. Cette année c’est l’ensemble Accroche Note, créé il y a 30 ans par le clarinettiste Armand Angster et la soprano Françoise Kubler, qui fut convié à l’exercice. Il a concocté trois programmes différents avec un trio, un duo et un quatuor, interprétant avec un bel enthousiasme des œuvres exigeantes. Un met goûté chaque jour, un fil rouge, une onde serpentine souterraine…

La violoncelliste Martine Altenburger et le percussionniste Lê Quan Ninh sont tous deux des musiciens de haut vol – à la fois interprètes et improvisateurs, tournant à l’étranger (avec l'ensemble]h[iatus et le Quatuor Hêlios), mais leur ancrage en terre creusoise leur est cher. En organisant ce festival, ils militent pour que les musiques contemporaines ne soient pas réservées aux seuls initiés. Sous le signe du sensible, ils offrent des expériences d'écoute de musiques qui sont rarement transmises sur les grandes ondes (radio et télévision). Dans leur note d'intention, les organisateurs écrivent : « Le festival, ce sont quelques idées simples et quelques propositions : partager des moments d’écoute, mettre en présence des musiques et des artistes plus rares que les autres (…) choisir d’être étonné par l’inconnu plutôt que d’en douter … »

Et de l’imprévisible il y en eut avec la délicate installation sonore soumise au grès du vent de l’artiste japonaise Rie Nakajima, et avec sa performance composée d’objets quotidiens dans le parc du château de La Roche. Geste minimal pour réveiller leur vibration avant de s’effacer. Intervenir le moins possible pour laisser advenir.

Rie Nakajima. Photo : Lê Quan Ninh 

Le festival accueillait aussi le spectacle Au milieu du désordre du percutant Pierre Meunier qui agence sa pièce par blocs, tout comme l’incroyable percussionniste Will Guthrie qui lui succédait sur la piste, construisant lentement son édifice avec maîtrise et énergie. On n’oubliera pas le duo du pianiste Frédéric Blondy et de l’altiste Charlotte Hug dans l’église de Domeyrot, offrant sans retenue un concert improvisé, ni les interprétations sensibles, comme en apesanteur, de la pianiste Geneviève Foccroulle. Ni encore l’expérience radicale inouïe de la performance d’Hyperbang. Gaëlle Rouard et Christophe Cardoen scandent de concert l’une des images argentiques, l’autre de la lumière, aux commandes d’une machine de sa fabrication qui hache le rayon mieux qu’un stroboscope, tandis que David Chiesa heurte et frictionne des cordes amplifiées (cadre de piano & basse électrique).

Le travail de programmation de Martine Altenburger et de Lê Quan Ninh s’effectue tout au long de l’année pour montrer la diversité des musiques contemporaines. Un défrichage constant qui s’affranchit d’un cercle restreint et va bien au-delà de leur goût personnel. Durant ces trois jours, le percussionniste introduit chaque concert – ou plutôt chaque expérience d'écoute – avec une délicate pédagogie. Loin des assertions péremptoires, il préfère poser des questions plutôt que d'asséner des réponses, et lors des concerts improvisés, il s’interroge : « quand les musiciens improvisent librement, ils sont libres de quoi ? » (4). Rencontre avec ce fabuleux passeur de musiques contemporaines pour qui « Seule une paire d’oreille est demandée. »

 

1. Où sommes-nous ? 

 

2. Pourquoi vous êtes-vous engagés dans cette aventure ? 

 

3. Comment incitez-vous les habitants à venir aux concerts ? 

 

4. Quelles sont vos lignes de force ? 

 

5. Comment procédez-vous pour construire votre programmation ? 

 

6. C’est la 1e année que vous sollicitez un financement participatif ? 

 

7. Vous avez subi la suppression de la subvention du département ? 

 


1. « Le bruit de la musique » : il s’agit d’une expression d’Anna Karina dans Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard.

2. Le festival investit aussi trois autres villages – Toulx-Sainte-Croix, Domeyrot et la Celle-sous-Gouzon – irriguant le territoire creusois.

3. Une pétition du Collectif Creuse Culture en Péril est en ligne.

4. Sur cette question fondamentale, on renverra l'internaute vers un ouvrage passionnant de Lê Quan Ninh , Improviser librement : Abécédaire d’une expérience, Ed. Mômeludies / CFMI de Lyon, collection Entre-deux n°21, 2015.

 

> Le bruit de la musique s'est déroulé du 18 au 20 août 2016 à Saint-Silvain-sous-Toulx (Creuse).

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