CHARGEMENT...

spinner

Que Wilson Fache remporte ce prix – le plus prestigieux du journalisme francophone – n’est pas très étonnant. Son investissement sur le terrain est incontestable, et à l’occasion de nos diverses collaborations, il s’est toujours démarqué par son professionnalisme sans faille, son enthousiasme et sa fiabilité. De Kaboul à Gaza, de Tel-Aviv à Odessa, ses reportages publiés dans Mouvement sont humains, précis, sensibles et élégants. À 31 ans, il appartient à cette génération de journalistes et de photographes qui se sont jetés dans le grand bain très jeune, notamment en couvrant la bataille de Mossoul en Irak, alors aux mains des djihadistes de Daesh. Depuis cette expérience marquante, sa plume n’a fait que s’acérer. Les décors qu’il plante sont détaillés, son regard est profond et nuancé. Wilson a ce talent pour raconter les conflits du monde en plaçant l’intime au centre, la guerre en contrechamp.


C’est par contre une anomalie assez rare pour être soulignée : en gagnant ce prix, Wilson emporte avec lui un magazine indépendant rangé dans le rayon « culture » des kiosques qui lui font encore une place. Sa victoire, c’est celle du journalisme que nous défendons depuis notre premier numéro, bouclé à l’arrache dans une chambre d’étudiant : un journalisme de long cours qui compense l’étroitesse de son budget par de l’ingéniosité sur le terrain. Un journalisme littéraire, debout, créatif et empathique, politisé sans être encarté, qui travaille dans la durée – le temps de l’enquête n’est pas celui de l’actualité. Un journalisme qui n’existerait pas sans l’engagement toujours renouvelé d’une petite équipe au four et au moulin. Ce reportage de Wilson Fache dans la gare routière de Tel-Aviv regarde les marges de la société israélienne droit dans les yeux et embarque le lecteur dans une expérience à plusieurs niveaux. Approcher l’autre et dialoguer, chercher à le comprendre, ne pas en faire son ennemi par faiblesse intellectuelle ou par principe : alors qu’un nombre croissant de médias passés à l’extrême-droite stimulent la méfiance et la haine, il est nécessaire que ce journalisme survive.



Jean-Roch de Logivière

Directeur de la rédaction