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En pleine Art Week – temps fort de l’art contemporain à Paris –, alors que les galeristes, collectionneurs et simples visiteurs affluent dans la capitale, le CWB ouvrait de nouveau ses espaces pour Performissima, marathon d’une demi-journée pour une soixantaine de shows. Pensés comme des capsules, ces mini spectacles se découvrent en déambulant le plan à la main, l’oreille tendue pour suivre la musique et l’œil vif pour chercher les salles sombres et distinguer le spectateur du danseur dans une masse moins dense que d’ordinaire – la concurrence était rude la semaine dernière à Paris. 

 

Dans le hall, une silhouette encapuchonnée s’active, frappe les murs, secouée de spasmes. C’est le Sud-africain Tiran Willemse, figure émergente de la scène suisse, pour son solo blackmilk, écrit après la mort de Georges Floyd. Mélange contrasté entre la gestuelle de divas ou de majorettes et des haussements d’épaules virils, cette composition frontale joue des archétypes et vient « littéralement » déplacer les badauds dans leur identité, leur rapport direct à la race et au genre. 

 



Un peu plus tôt, sur le parvis de Beaubourg, une artiste proposait déjà un agencement archétypal. Dans This is la mort, Zoe Lakhnati incarne des spectres de l’iconographie occidentale tels que les répertoriait l’historien de l’art Aby Warburg au gré de son Atlas mnémosyne (1929). En quatre costumes – chevalier, bodybuilder, pop star et espionne – la danseuse s’emploie à produire le plus d’images possible avec son corps. Comme nous tous·tes gavée par les feeds, Zoe Lakhnati est une enfant de son temps et raconte une histoire de l’art et des représentations pleine de trous et de quiproquos. Alors que tout est brouillé et hybridé, peut-on encore se fier à ce que l’on voit ? 

 

This is la mort, Zoé Lakhnati © Duy Laurent TRan

Ouvert aux artistes wallons comme aux internationaux, Performissima investit la galerie Talmart, à quelques encablures du CWB, pour le show de la Canadienne Gui BBnouvelle tête sur les scènes européennes. Dans On The Edge Of The Swamp I Shot This Old Piece Of Skin, la performeuse et son acolyte rotent, frottent leurs glottes à deux doigts et rampent sur un sol recouvert de mouches, le tout costumé·es en chasseurs de bécasses à perruque. La laideur et le dégoutant de ce bas-monde ont aussi leur place sur les scènes contemporaines, n’en déplaise à celles et ceux qui font la grimace ou se bouchent les oreilles.

 

Au cinéma, en plus du travail incisif de l’artiste mauritanien Azzedine Saleck, l’évènement est provoqué par le duo suisse Dorota Gaweda et Eglè Kulbokaitè avec Brood (Scène 4) : Possession Undone, reenacment de la célèbre scène de folie interprétée par Isabelle Adjani dans le film Possession (1981) d’Andrzej Żuławski. Anna Marchenko, habillée en full baby blue pousse la fragmentation psychologique à l’extrême et investit les espaces du cinéma mais aussi les couloirs et coulisses du CWB. Spectre cinématographique venu hanter les spectateurs, la performeuse titille notre rapport à la maladie mentale, notamment quand celle-ci touche des femmes. Habitées par les archétypes masculins et féminins, traversées par les fantômes de l’histoire et les dynamiques de pouvoir, les performances présentées ce vendredi au CWB avaient définitivement le goût de l’époque.  

 

Performissima 25 s’est tenu le 24 octobre au Centre Wallonie Bruxelles, Paris

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